L’approche d’un Pèlerin à la Journée Mondiale des Malades

F11 février : Fête de Notre-Dame de Lourdes et Journée mondiale des Malades. Ces deux commémorations coïncident depuis maintenant trente ans. En 1992, le Pape Jean-Paul II a choisi la Fête de Notre-Dame de Lourdes comme Journée Mondiale des Malades. Il a clairement expliqué sa raison de le faire en disant: « Ce jour-là. . . cherche à être ‘un temps spécial de prière et de partage, d’offrir sa souffrance pour le bien de l’Église et de rappeler à chacun de voir dans son frère ou sa sœur malade le visage du Christ qui, en souffrant, en mourant et en ressuscitant, a réalisé le salut de l’humanité.’”[1]

Par ces mots, Jean-Paul II nous invite aujourd’hui à contempler la rencontre entre la Vierge et Bernadette Soubirous, simple, malade et pauvre, le 11 février 1858. Cette rencontre a été une Annonciation de l’Évangile, par laquelle le Christ est “né” à Lourdes. Dans les deux semaines du 11 février 1858, la source miraculeuse de Lourdes a été creusée du sol à Massabielle et coulait librement. En cette Fête et Journée Mondiale des Malades, nous devrions aller, comme des pèlerins, au Printemps de Lourdes avec Bernadette. Sainte patronne des maladies corporelles, Bernadette nous orientera vers la Source salvifique de Lourdes en nous rapprochant de Notre-Dame de Lourdes“  » L’Immaculée Conception.”

Approche des Pèlerins

Il existe de nombreuses façons pour les pèlerins d’atteindre Lourdes. À la lumière de la Journée Mondiale des Malades de Jean-Paul, je propose que nous voyagions via le roman de Franz Werfel, La Chanson de Bernadette. Écrit comme une prière d’action de grâce pour son évasion des nazis, le roman de Werfel être un Chapelet: 50 chapitres, ou “Aves”, sont priés avec Bernadette devant la Vierge. Ainsi, le roman de Werfel nous place aux côtés de Bernadette alors qu’elle contemple la Vierge, contemple l’Incarnation, creuse et boit la Source qu’est le Christ. Lorsque nous prions avec Bernadette, en contemplant la beauté immaculée de Marie, nous faisons l’expérience d’une annonciation du Christ dans nos propres vies — une Source jaillissant vers la vie éternelle.[2]

Allons donc maintenant avec Werfel sur la scène de l’annonciation de Bernadette à la Grotte de Massabielle.

Première Annonciation

Nous sommes le 11 février 1858. Haut dans les Pyrénées, il fait assez froid, même si c’est une journée claire et ensoleillée à Lourdes, en France. Bernadette est assise au bord du Gave, une chaussette, une chaussette, se préparant à traverser les eaux glacées de la rivière. Mais, alors qu’elle est assise là, une chaussette, une chaussette, le vent se lève, bien qu’étrangement, sans déranger une seule feuille dans tout le bois. Rien ne bouge. Bernadette regarde curieusement autour de lui, les yeux posés sur la grotte. Elle se frotte et se frotte les yeux, car soudain dans une niche au milieu des rochers, elle voit quelque chose de beau:

Une très jeune femme, délicate et délicate, visiblement de chair et de sang, courte plutôt que grande. . . [La dame] se tient calmement et sans toucher le côté ou la voûte dans l’ovale étroit de la niche. L’habit de la très jeune femme n’est pas du tout commun. . . son vêtement snowhite est tellement coupé qu’il indique sa taille délicate. . . Parfois [sa robe] brille comme du satin ou de la soie, parfois elle est plus terne, comme un velours inconnu, très délicat, ineffablement neigeux; encore une fois, elle ressemble à une batiste transparente et fine qui transmet à ses plis chaque agitation des membres. . . Des boucles ondulées de ses cheveux châtain clair s’échappent sous le voile. Une ceinture bleue assez large légèrement nouée sous la poitrine tombe sur le genou. Mais quel bleu ! Charmant au point de souffrir. Bernadette observe enfin la chose la plus frappante : les pieds de la jeune femme sont nus. Et les petits pieds étroits donnent l’effet de l’ivoire, presque de l’albâtre. . . La chose la plus étrange, cependant, est la suivante: deux roses dorées sont placées sur les débuts des orteils minces de chaque pied — impossible de dire par quels moyens, ni de savoir de quelle substance sont les deux roses, qu’il s’agisse d’un artisanat délicat de bijoux ou de peinture en haut-relief.[3]

Bernadette est ravie par la beauté immaculée de la Dame comme “des vagues de. . . la consolation ravie de l’amour roule sur elle. . . [tissage] une toile de relation entre elle et la Dame. »Ainsi, » surgit et coule d’avant en arrière un flot de sympathie la plus heureuse, d’unité immémoriale, en fait la conscience d’une solidarité très spéciale qui agite le cœur.”[4]

Cette description de la première rencontre de Bernadette avec la Vierge nous fait aussi désirer une telle annonciation. Heureusement, Bernadette nous montrera comment le chercher : “Bernadette aimerait parler, éclater en mots ou même en chansons inarticulées. . . Elle sort son chapelet de sa poche.”Quelle meilleure chose, demande Werfel, peut-elle faire?”[5]

Quelle meilleure réponse que de prier les paroles de l’Annonciation: Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. Tu es bienheureuse parmi les femmes. Et béni soit le fruit de ton sein, Jésus. Par ces mots, Bernadette a salué la Vierge et son Fils. Et donc, dans ce moment de contemplation ravie, Bernadette nous apprend à voir ce qu’elle a vu: Priez l’Ave Maria. Cette Prière mène au Printemps. Et la beauté immaculée de la Dame en offre la preuve: Le Seigneur est là!

Bien que Bernadette ait eu le bonheur ravissant de voir la Vierge, une grande partie de sa vie a été malheureuse, remplie des souffrances de la pauvreté et des maladies corporelles. Née le 7 janvier 1844, Bernadette est l’aînée des neuf enfants de François et Louise Soubirous. Au moment des apparitions, la famille Soubirous vivait dans l’ex-prison de la ville. Une chambre simple pour les onze d’entre eux, avec des murs en pierre et des sols en pierre, les barres de fer encore à travers les fenêtres.

L’air froid et humide de la Cachot— un mot français qui signifie “donjon” - a exacerbé l’asthme de Bernadette. Elle a souvent manqué l’école en raison de maladies aggravant son asthme. Âgée de 14 ans lorsqu’elle rencontra la Vierge, Bernadette savait à peine lire ou écrire. 

Dans les années qui ont suivi les apparitions, lorsque Bernadette était devenue sœur de la Charité à Nevers, elle souffrait de tuberculose osseuse et pulmonaire. Mais nous y reviendrons plus tard. Ne nous éloignons pas trop de l’annonciation de Bernadette. Sous la plume de Werfel, Bernadette s’apprêtait à poser une autre question intéressante, toujours debout devant la niche, une chaussette enfilée et une chaussette éteinte.

La Vierge, comme nous le savons, ne porte ni chaussette ni chaussure. Dans le récit de Werfel, Bernadette passe un certain temps à contempler les pieds chargés de roses de la Vierge. Les pensées de Bernadette tournent notre attention vers l’immaculée de Marie. Pour Bernadette, les pieds de Marie étaient “la chose la plus frappante de toutes. » Ils étaient nu, minuscule et étroit, donnant “ l’effet de l’ivoire, presque de l’albâtre. » Alors Bernadette se demande, et nous avec elle,  » Pourquoi? Pourquoi la Dame est-elle venue pieds nus à cet endroit? » » Pourquoi a-t-elle choisi Massabielle, de tous les lieux, la caverne de roche sale, le lieu où les hautes eaux lavent les os des bêtes, le lieu des gravats, des porcs et des serpents, le lieu détesté par le monde entier?”[6]

Pour souligner davantage ce contraste entre les pieds d’ivoire et les gravats sales, Werfel raconte à ses lecteurs à quel point Massabielle était détestable. Le roman s’ouvre sur le réveil de François Soubirous juste avant que les cloches de l’église lui disent qu’il est 6 heures du matin. Il doit se lever tôt et chercher du travail. N’étant plus meunier, François est un journalier démuni, vivant dans une vieille prison. Selon Werfel, François trouve du travail ce jour-là en se débarrassant des ordures de l’hôpital. Il est chargé de le transporter à Massabielle et de le brûler. La scène est en partie la suivante:

Le concierge de l’hôpital a les 3 boîtes d’ordures prêtes à être transportées. Ils ne sont pas lourds, mais puent comme le ravageur lui-même de toutes les misères de la chair. . . Le concierge, sachant en matière médicale, émet un avertissement: « Attention, Soubirous! Le diable de l’infection est dans ce genre de choses. Emmenez-le loin jusqu’à Massabielle; brûlez-le là et jetez les cendres dans le Gave!”[7]

Soubirous, nous dit-on ostensiblement, est sûr qu’il voit un doigt humain parmi les ordures sales et infectieuses. Et maintenant, quand Soubirous brûle les choses, “Il y a une pyramide malodorante de coton imbibé de sang, de bandages tachés de pus et de chiffons de lin sales. . . L’horrible pyramide combustible s’embrase sur l’instant. . . fumée blanche [s’élevant] en ligne droite.”[8]

Ceci, c’est l’endroit où Marie est apparue à Bernadette. C’est l’endroit où les pieds immaculés de Marie ont foulé les cendres de sacrifices malodorants contenant le “diable même de l’infection. »Cette juxtaposition d’os de bêtes, de porcs et de serpents, avec les minuscules pieds d’albâtre de Marie ne devrait pas se perdre sur nous si nous connaissons la femme vêtue de soleil du Livre de l’Apocalypse.

Soudain, à travers ce contraste chargé de bibliques, nous voyons ce lieu, Massabielle, comme précisément le lieu où ces pieds immaculés DOIVENT se trémousser. Ces pieds avaient autrefois porté Christ dans le monde, et l’avaient porté dans un endroit détesté et apparemment inapte à d’autres bêtes que les bêtes. Le « sacrifice » de François Soubirous, sa « fumée blanche s’élevant en ligne droite », et maintenant la présence des pieds d’albâtre frappant à la place des serpents, nous préparent à recevoir le Christ, notre Source d’amour divin, d’espérance, de vie. 

Et Alors Pourquoi ? Pourquoi Massabielle ? Parce que c’est précisément en ce lieu où Marie doit annoncer l’Évangile à Bernadette si elle veut vraiment être l’Évangile. En choisissant ce lieu, Marie dirige Bernadette vers son Fils comme une Source de guérison, en effet, comme une Source jaillissant vers la vie éternelle. 

Printemps

La Dame parle de l’Évangile pour la première fois le 24 février 1858. Elle parle à Bernadette de « Pénitence! Pénitence! Pénitence! » et lui demande de  » Prier Dieu pour les pécheurs. » Avec cela, Marie fait écho à l’appel du Christ à se repentir et à croire en l’Évangile. Le lendemain, le 25 février, la Dame ordonne à Bernadette de chercher la Source d’eau miraculeuse. Ses instructions, cependant, ne sont pas si précises“ « Allez au printemps là-bas, buvez et lavez-vous. » » Allez manger des plantes que vous trouverez là-bas! » » Bernadette « , écrit Werfel,

Arpenté la grotte pendant longtemps. . . jusqu’à ce que dans un coin droit, elle perçoive un endroit sans sable ni gravats. Une poignée d’herbe y poussait et quelques herbes misérables. . . Là, Bernadette se hâta [glissant sur ses genoux]. Elle a rempli la deuxième partie de la commande en coupant quelques brins d’herbe et d’herbes et en les avalant. . . La jeune fille fixa le bout de terre stérile dont elle venait de goûter le vert amer. [Elle] a commencé à gratter la terre à mains nues, à s’y enfouir comme une taupe. . . Lorsque Bernadette eut creusé un trou de la largeur et de la profondeur d’un bol de lait, elle tomba sur une terre boueuse. Les morceaux de terre suivants sont venus plus facilement du petit creux. Elle prit une profonde respiration et s’arrêta parce que son travail l’avait fatiguée. . . elle a creusé un peu plus profondément et maintenant la flaque d’eau. . . semblait perdu et s’infiltrait dans la boue. Bernadette n’avait donc plus rien à faire d’autre que de prendre un morceau de terre particulièrement humide et de l’enduire de son visage et d’en prendre un autre et de chercher à l’étouffer. Cet effort était si désespéré et nauséabond que le visage maculé de boue de la jeune fille était déformé par la tension et le dégoût. Mais à peine ses efforts spasmodiques et violents avaient-ils forcé la terre dans son œsophage quand son estomac vide s’était rebellé contre cette nourriture des morts, et qu’une effroyable envie de vomir l’avait secouée.[9]

Ne comprenant pas ce spectacle de pénitence, la foule était gênée, demandant si Bernadette pouvait être folle. Mais Bernadette a fait écho à Marie“ « C’est pour les pécheurs.” À la stupéfaction de tous, de l’eau claire coulait dès le lendemain du trou creusé par Bernadette.

Au cours des apparitions suivantes, Bernadette a continué à se laver au printemps et à embrasser le sol, et ainsi à nous instruire dans la repentance. Une semaine plus tard, le 1er mars, le premier miracle se produit : les eaux de la source guérissent Catherine Latapie d’un bras disloqué. Le deuxième mars, la Dame a explicitement demandé que les fidèles viennent à ce printemps dans la prière et la pénitence. Elle instruisait Bernadette : « Allez dire aux prêtres que les gens doivent venir ici en procession et y construire une chapelle. »Les préparatifs pour la construction de cette église ont commencé en 1861 et elle a été consacrée à la Pentecôte en 1866. Des hôtels et des hôpitaux ont également été construits pour accueillir le nombre croissant de pèlerins qui se rendent à Lourdes pour se baigner dans les eaux de la source miraculeuse.

La source miraculeuse de Lourdes, aussi étonnante que soient ses miracles, n’est qu’un signe, pointant au-delà de lui-même vers l’Évangile. C’est un signe des fruits guérisseurs de la repentance et du pardon, de la pénitence et de la prière demandées par la Vierge et enseignées par Bernadette. Ainsi, pour voir la vraie Source, signifiée par les eaux de Lourdes, il faut continuer à regarder avec Bernadette, et voir comment elle a continué à creuser et à creuser un espace en elle-même dans lequel jaillissait la Source des eaux vives.

Bernadette Souffre: Une Deuxième Annonciation

 » La Vierge Marie m’a utilisé comme balai pour enlever la poussière. Lorsque le travail est terminé, le balai est à nouveau remis derrière la porte. » Bernadette a ainsi parlé d’elle-même et de son rôle à Lourdes de découvrir la source miraculeuse. Pourtant, ce n’était pas tout ce que Bernadette a fait. Elle nous a montré la vraie Source, signifiée par celle qui coule des eaux curatives à Lourdes. Elle l’a fait par sa propre expérience de la maladie et de la souffrance.

Comme mentionné précédemment, dans les années qui ont suivi les apparitions à la Grotte de Lourdes, Bernadette est tombée gravement malade de la tuberculose osseuse et pulmonaire. Ses souffrances étaient du genre pour lesquelles ceux qui ne sont pas malades ont de la crainte et de l’admiration. Pendant quelques jours de répit de la douleur, les Sœurs de la Charité de Bernadette, lui ont demandé si elle irait se baigner dans les eaux miraculeuses de la source. Bernadette a refusé. ”Le Printemps, dit-elle avec une simple insistance, n’est pas pour moi.”[10]

Franz Werfel décrit de manière intéressante la maladie de Bernadette de la même manière qu’il décrivait sa découverte de la source miraculeuse de Lourdes. Werfel a écrit dans un langage intentionnellement christologique,

Bernadette portait un stigmate. C’était la stigmatisation de sa maladie mortelle. Cette maladie a fait d’elle qui, sous la direction de la Très Sainte Vierge, a sorti du néant la source de mille guérisons, la protagoniste de tous les malades du monde. Ainsi, après tous les miracles dont elle avait été l’instrument, Dieu lui accorda encore une seconde grâce, la grâce d’une passion, la grâce de l’imitation du Christ Lui-même.[11]

En d’autres termes, dans cette seconde grâce, l’Annonciation du 11 février 1858, s’est pleinement concrétisée, parce que le Christ était pleinement vivant en Bernadette, né dans son âme. Werfel continue,

La tumeur sur le genou de Bernadette n’était pas due à une infection passagère. C’était et est resté le symptôme d’une maladie mortelle. La tuberculose osseuse est l’un des maux mortels les plus lents et les plus douloureux. De longs intervalles [de douleur] accentuent un désespoir final. Dans les périodes aiguës, les inflammations des nerfs font partie des complications cruelles. La passion de la fille de Lourdes devait prendre non pas sept jours, mais plus de sept ans. Sept ans, c’est 2 555 jours.[12]

Il ajoute,

Sa maladie affronta Bernadette comme une montagne puissante à travers laquelle elle dut creuser de ses mains frêles pour un jour revoir la lumière. Pendant des centaines de jours, elle a creusé et creusé sans perdre courage, avec l’intrépidité infatigable d’un bon ouvrier. Elle était à plein emploi. Aucun espace de respiration n’a été accordé. S’allonger est devenu un art spécial, s’asseoir et chaque instant au lit, respirer, s’endormir et se réveiller. Elle s’est [ardemment] consacrée à être malade. . . Elle ne manifestait aucune impatience et ne souhaitait jamais que la fin arrive plus tôt.[13]

La comparaison est frappante. Comme avant, Bernadette creuse. Elle creuse et elle creuse alors que la Dame la conduit, sur ses pieds immaculés, au Christ. Je vous salue Marie, le Seigneur est avec toi! Dans les ordures de sa propre chair, il y a la Source des eaux vives. Dans que lieu. Sa souffrance a été transformée de l’intérieur, jointe aux souffrances du Christ.[14] Et donc Bernadette boit, et boit profondément. Et que boit-elle? L’amour de Dieu. Sa souffrance est maintenant unie au Christ dans un acte d’amour et une expression de louange.

Une Annonciation d’Espérance

Pourtant, l’œuvre de louange et d’action de grâces de Bernadette — sa propre souffrance unitive et rédemptrice - est, encore une fois comme les eaux physiques de Lourdes, un signe qui pointe au-delà d’elle-même. En effet, il est comme tous les miracles des Évangiles, à travers lesquels le Christ “se rapprochait de plus en plus au monde de la souffrance humaine » et par lequel le Christ a promulgué la véritable Bonne Nouvelle: « Je suis là. Dans ta souffrance. Parce que je t’aime.”[15] Ainsi, les miracles de Lourdes indiquent l’amour salvifique de Dieu. Tout comme Bernadette, les yeux malades fixés sur ces pieds immaculés.

Par conséquent, pour observer les ruisseaux consolants de la Source, nous devons nous arrêter à l’hôpital de Lourdes. Werfel représente l’hôpital à travers des images et des thèmes tirés de celui de Dante Inferno, un lieu où l’espoir est abandonné. Dans l’histoire de Werfel, le Dr Dozous conduit les lecteurs dans “L’enfer de la Chair. »Nous passons devant un patient décrit comme ayant “une tête de mort de la couleur du jambon cru », sans nez ni lèvres. Au passage des lecteurs, l’infirmière est occupée à boucher les “trous du nez” de cette patiente avec des “bouchons de coton” pour qu’elle puisse prendre une gorgée de café.[16] 

Avec cela, Werfel rappelle le tas de déchets humains offert par François Soubirous, la place des porcs et des serpents foulés par les pieds immaculés de la Dame. Ainsi, Bernadette nous montre que même dans cet « enfer de chair », un Printemps est offert — le Printemps de l’Espérance. Bernadette a fait bien plus que balayer la poussière ou creuser une source du sol!

Écoutons une conversation entre le Dr Dozous et un visiteur de son hôpital:

« Combien peuvent s’attendre à une guérison?” 

« Au cours de plusieurs décennies, beaucoup ont été guéris. Néanmoins, les guérisons incontestablement surnaturelles sont rares. . . Regardez ces gens. Si un seul parmi des centaines, voire des milliers, fait l’expérience d’un miracle et retrouve la vue ou le mouvement, les âmes de tous sont incommensurablement élevées. L’espoir atteint des sommets indescriptibles.”[17]

Ce même espoir a aidé Bernadette à creuser pendant 2 555 jours! Elle n’a pas cherché à guérir, mais à offrir sa souffrance par amour pour le Christ. C’est dans ce “ creusement  » pénitentiel que Bernadette devient une source d’espoir pour tous les malades et toutes les souffrances. Et ses flots mènent à l’amour divin de Dieu:

Par la faveur de pouvoirs incompréhensibles, Bernadette Soubirous avait accompli un plus grand miracle que la découverte du printemps. À son insu, Bernadette communiqua aux opprimés quelque chose de cette consolation compatissante qui inondait son être chaque fois qu’elle revoyait la dame. Inexplicablement, elle a été transférée à des masses d’hommes [et de femmes]. Une portion dans le ciel de son amour. . . Le granit était devenu poreux et étrangement léger.[18] 

Cet amour, d’abord signifié à Bernadette par les pieds immaculés de Marie, nous est maintenant signifié par Bernadette. La révélation par Bernadette de l’amour incarné, salvifique et souffrant de Dieu donne de l’espoir aux centaines et aux milliers de malades, tous les jours à Lourdes.

L’Immaculée

Nous nous tournons une dernière fois avec Bernadette pour dire “Salut, Ave” à la Dame de Lourdes. Nous devons apparaître foule à la seizième apparition. Cette apparition eut lieu le 25 mars 1858, Fête de l’Annonciation. Au cours de cette apparition, Bernadette demanda trois fois le Nom de la Dame.

Son nom ?  » Je suis l’Immaculée Conception. » Bernadette, qui, si vous vous en souvenez, n’avait pas fait beaucoup d’études à cause de ses maladies, courut de la Grotte au domicile de son curé, répétant ce nom encore et encore en courant parce qu’elle ne le comprenait pas du tout. 

Pourtant, elle l’a fait. Probablement mieux que quiconque. Elle comprit ce que signifiait appeler Marie “ L’Immaculée Conception ” en voyant ces petits pieds d’albâtre entrer dans la niche de Massabielle, avec ses porcs, ses serpents et ses déchets humains. Cela signifiait de l’Espoir. Cela signifiait l’Amour. Cela signifiait la Vie. Cela signifiait que la Source du Salut était sur le point d’être versée dans son propre cœur. Elle a reconnu ce qu’elle a vu et vécu lorsqu’elle a prié, Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes, et le fruit de ton sein est béni, Jésus.

Et encore aujourd’hui, la source coule à travers Bernadette. Elle voit tout à la lumière de l’éclat immaculé de Marie et de l’amour de Dieu. Elle annonce le fait de l’Évangile — ici et maintenant, jaillissant en vous.


[3] Franz Werfel, La Chanson de Bernadette (San Francisco : Ignatius Press, 2006), 55-59.

[7] Ibid., 11-12.

[8] Ibid., 16. 

[9] Ibid., 227-229.

[18] Ibid., 253-254.