Par Jonathan C. McMonigal, Collège et Séminaire des Saints Apôtres
Partie I : Introduction
À l’avènement de la Révolution industrielle, la question sociale de savoir comment relier le capital au travail a contrarié le monde moderne. Deux systèmes économiques se sont formés comme réponses consensuelles possibles, à savoir le capitalisme ou le socialisme. Alors que le capitalisme priorisait le droit de propriété privée des moyens de production, le socialisme a réagi en abolissant la propriété privée au profit de la propriété communale. L’Église catholique risquait de sombrer dans l’obscurité sans une réponse appropriée à la société concernant le sort de la question sociale.
L’encyclique papale “Rerum Novarum” du pape Léon XIII a été la réponse catholique initiale à la question sociale. Le Souverain Pontife a rejeté l’économie matérialiste et impie en faveur d’un système catholique sans vergogne. Avant de pouvoir aborder toute question de politique fiscale, le système économique doit être fondé sur la loi naturelle de Dieu. Aucun domaine de la connaissance ne peut être séparé d’une vision holistique du monde catholique, de peur que la dignité humaine ne soit dénigrée. Après le pape Léon XIII, une riche tradition d’encycliques papales traitant de la question sociale a suivi. Des papes Pie XI, Saint Jean XXIII, Saint Paul VI, Saint Jean-Paul II, Benoît XVI et l’actuel Pontife François, l’Église a perpétué son enseignement social. Alors que l’économie mondiale change d’année en année, les Papes ont continué à répondre aux signes des temps avec l’Évangile.
Les principes moraux d’une économie catholique reposent sur le trifect de la dignité, de la solidarité et de la subsidiarité. Sur cette base, des principes secondaires tels que la destination universelle des biens, l’option préférentielle pour les pauvres et la gestion de la création offrent une vision économique caritative. Une économie catholique s’oppose à l’économie laïque, car le fondement du système repose sur la nature transcendantale de la personne humaine faite à l’Image de Dieu. L’économie catholique rassemble le capital et le travail dans l’harmonie d’un ordre social reposant sur la charité surnaturelle de Dieu.
Deuxième partie : Dignité
Le fondement de l’économie est la dignité de l’homme. L’étymologie du terme « économie“ renvoie au concept grec de « gestion prudente du ménage et de l’État.”[1] L’économie n’existe que pour assurer la subsistance du ménage. Comme l’a déclaré le pape Saint Jean-Paul II: “Il faut dire encore et encore que le travail est pour l’homme, pas l’homme pour le travail.”[2] Le travail n’est pas seulement un moyen d’atteindre une fin, mais c’est une activité digne. Comme le dit le Catéchisme de l’Église catholique : “ L’œuvre humaine procède directement de personnes créées à l’image de Dieu et appelées à prolonger l’œuvre de la création en soumettant la terre, les unes avec les autres et pour les autres.”[3] Ainsi, l’économie est une extension du travail interpersonnel à la poursuite de la vie.
Maintenant, le concept d’échange de biens remet en question la réalité de la propriété. Comme l’a défini le pape Léon XIII“ « Car, chaque homme a par nature le droit de posséder des biens comme les siens.”[4] La propriété privée est créée lorsqu’un homme tourne l’activité de son esprit et de son corps sur la matière, de sorte qu’il laisse “l’empreinte de sa personnalité.”[5] Par exemple, si une personne moule de la boue en poterie, le travail de l’individu transforme la boue en une création privée. Maintenant, il n’y a pas de droit absolu à la propriété privée, mais il y a un droit relatif au bien commun. Comme l’a déclaré le pape Saint Jean-Paul II“ « le droit à la propriété privée est subordonné au droit à l’usage commun, au fait que les biens sont destinés à tous.”[6] Par exemple, un agriculteur ne devrait pas thésauriser ses récoltes superflues des masses affamées. La destination universelle des biens harmonise la liberté dans l’équité.
Or, la dignité humaine ne se limite pas à une simple extension à la propriété privée. Au contraire, le pape Saint Jean XXIII commente: » En effet, précisément parce que l’on est une personne, on a des droits et des obligations qui découlent directement et simultanément de sa nature même.”[7] Le droit à la vie est le plus fondamental des droits, et la responsabilité correspondante d’un employeur envers un employé est d’un salaire juste. Comme le fait remarquer le pape Saint Jean-Paul II : “ En outre, la société et l’État doivent garantir des niveaux de salaire adéquats pour l’entretien du travailleur et de sa famille, y compris un certain montant pour l’épargne.”[8] Un salaire juste est un salaire familial, parce que l’homme en tant que créature sociale ne vit pas dans la solitude, mais forme des relations interdépendantes de familles élargies.
Contrairement au salaire juste, le capitalisme favorise un salaire libre fixé uniquement par une concurrence capricieuse au sein d’un marché des affaires. Le travail est réduit à une simple marchandise échangeable. Au contraire, le pape Saint Jean XXIII déclare: « Nous considérons donc qu’il est de notre devoir de réaffirmer que la rémunération du travail n’est pas quelque chose qui peut être laissé aux lois du marché; ce ne doit pas non plus être une décision laissée à la volonté des plus puissants.”[9] La liberté d’un contrat salarial doit être ordonnée au bien commun de la subsistance. À l’opposé, le socialisme rejette le concept de contrat salarial. Le socialiste appelle les travailleurs du monde à s’emparer des moyens de production, en englobant toute propriété privée dans la propriété collective. C’est injuste. Comme le dit le pape Léon XIII “ « Les socialistes [strike] frappent les intérêts de chaque salarié, puisqu’ils le priveraient de la liberté de disposer de son salaire, [”] « [10] En niant le droit de propriété, le socialiste réduit le travailleur à l’esclave de l’État, de sorte que la dignité humaine est offensée en niant l’agence personnelle. Le juste salaire est le juste milieu nécessaire entre l’individualisme et le collectivisme.
Troisième partie : Solidarité
Dans le respect de la dignité universelle de l’homme, toutes les personnes exercent la charité sociale, ou la solidarité, les unes envers les autres. Comme le relate le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église : “ La solidarité met en évidence d’une manière particulière la nature sociale intrinsèque de la personne humaine, l’égalité de tous dans la dignité et les droits et le chemin commun des individus et des peuples vers une unité toujours plus engagée.”[11] La solidarité est la colle de la société, liant les individus au sein de la communauté. Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne la nécessité de “solidarityla solidarité des pauvres entre eux, entre riches et pauvres, des travailleurs entre eux, entre employeurs et employés dans une entreprise, la solidarité entre les nations et les peuples.”[12] Une société de solidarité fonctionne comme une union organique de personnes interdépendantes.
Un exemple notable de solidarité au travail est la fiscalité pour le bien-être social. Comme le fait remarquer le pape Saint Jean XXIII : “ Dans un système d’imposition fondé sur la justice et l’équité, il est fondamental que les charges soient proportionnées à la capacité des personnes qui contribuent.”[13] Puisque les riches ont plus que la subsistance, ils peuvent se permettre de payer des impôts plus élevés pour le bien commun. Le pape Saint Paul VI interroge même rhétoriquement l’homme riche en lui demandant: “Est-il prêt à payer des impôts plus élevés pour que les pouvoirs publics puissent intensifier leurs efforts en faveur du développement?”[14] Une option préférentielle pour les pauvres exige l’imposition de l’excédent pour des raisons de subsistance. Comme l’a raconté le pape Benoît XVI“ « Dans la communauté des croyants, il ne peut jamais y avoir de place pour une pauvreté qui prive quiconque de ce qui est nécessaire pour une vie digne.”[15] La richesse est bonne en soi, mais l’avarice peut rendre le cœur froid envers les pauvres. La solidarité n’abandonne jamais les pauvres à souffrir.
Au sein de la famille humaine, chaque nation est contrainte par la réalité de la solidarité de prendre soin les uns des autres. Comme l’a déclaré le pape saint Paul VI“ » Nous devons répéter que les biens superflus des nations les plus riches doivent être mis à la disposition des nations les plus pauvres.[16] La charité internationale est simplement un grossissement de la charité personnelle. Comme le dit le Saint Évangile“ « Celui qui a deux tuniques devrait partager avec celui qui n’en a pas. Et quiconque a de la nourriture devrait faire de même (Lc 3, 11 RSVCE).”[17] Maintenant, la solidarité internationale doit poursuivre un développement humain intégral. Le pape Saint Jean XXIII énumère que tous doivent avoir accès aux éléments suivants: “food nourriture, vêtements, abri, repos, soins médicaux et enfin les services sociaux nécessaires.”[18] La solidarité ne peut s’arrêter tant que les pauvres du monde n’auront pas la possibilité de réaliser des progrès socio-économiques.
Maintenant, le développement de la société internationale doit se faire parallèlement à la gestion de la création. Comme l’a raconté le Pape Benoît XVI“ « L’environnement est un don de Dieu pour tous, et dans notre utilisation de celui-ci, nous avons une responsabilité envers les pauvres, envers les générations futures et envers l’humanité dans son ensemble.”[19] Bien que les personnes ne puissent pas pécher contre l’environnement en soi, l’exploitation imprudente de la création est un péché contre les humains qui dépendent de l’environnement pour leur subsistance. Comme le pape François interroge rhétoriquement l’humanité, en demandant“ « Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui viennent après nous, aux enfants qui grandissent maintenant?”[20] Un péché contre l’environnement est un péché analogue contre la population qui sera privée d’air respirable, de nourriture comestible et d’eau potable. La solidarité exige que le développement humain intégral progresse en harmonie avec une gestion renouvelable de l’écologie.
Partie IV: Subsidiarité
La multiplicité des personnes humaines doit être organisée dans un cadre respectueux afin de faciliter une économie. Comme la famille est une dynamique stratifiée, la société doit être en parallèle en tant que structure interdépendante et hiérarchique. Le Pape François définit ce concept en déclarant: » Gardons à l’esprit le principe de subsidiarité, qui accorde la liberté de développer les capacités présentes à tous les niveaux de la société, tout en exigeant un plus grand sens de la responsabilité du bien commun de ceux qui exercent un plus grand pouvoir.”[21] Dans la société, la subsidiarité accorde le respect dû à l’individu, à la famille, à la ville, à la province et à la nation. Le pape Pie XI défend la dimension corporative de la subsidiarité, en disant“ » Car toute activité sociale, de sa nature même, doit aider les membres du corps social, et ne jamais les détruire et les absorber.[22] Ainsi, la subsidiarité est toujours au service du bien commun.
Au sein de l’économie, la subsidiarité se manifeste par la formation de syndicats. Au fur et à mesure que l’industrialisation a transplanté le travailleur de la ferme à l’usine, l’association collective entre les travailleurs est devenue nécessaire pour protéger les droits de l’homme. Comme le pape Saint Paul VI l’a enseigné à propos des syndicats: “leur objet est la représentation des différentes catégories de travailleurs, leur collaboration légitime au progrès économique de la société et le développement du sens de leur responsabilité pour la réalisation du bien commun.”[23] Sans syndicalisation, les travailleurs sont devenus vulnérables pour être exploités par les employeurs pour maximiser les profits. Le pape Saint Jean-Paul II a rapporté que: “Le rôle des syndicats dans la négociation des salaires minimums et des conditions de travail est décisif dans ce domaine.”[24] Les syndicats ont permis une stratification appropriée de l’économie.
Partie V : Conclusion
Les principes moraux d’une économie catholique sont fondés sur le trifect de la dignité, de la solidarité et de la subsidiarité. Avec l’avènement de l’industrialisation, la question sociale de savoir comment relier le capital et le travail s’est emparée du monde développé. Au lieu d’une antipathie du capital contre le travail, l’Église maintient les deux en harmonie raisonnable. Le fondement philosophique de l’économie n’est ni le capital ni le travail, mais c’est la dignité de l’homme accordée par notre Dieu bienfaisant. Puisque l’homme est fait à l’image de Dieu, les droits et devoirs concernant le capital et le travail sont par nature inviolables. Ainsi, toute tentative de réduire l’économie à une simple science matérialiste échouera immédiatement. L’économie est au service de la dignité humaine.
Dans le cas du capital, le modèle économique du capitalisme promeut les droits de propriété privée exempts de préoccupations sociales. La réponse catholique est de promouvoir le concept de solidarité, une charité sociale qui oblige à la destination commune de tous les biens. Les riches doivent partager leurs biens superflus avec les nécessiteux, et les gouvernements doivent promouvoir une option préférentielle pour les pauvres basée sur la solidarité. Maintenant en ce qui concerne le travail, le système économique du socialisme favorise l’abolition de toute propriété privée au détriment de l’agence personnelle. En réponse, l’Église catholique a promu la subsidiarité, une stratification des pouvoirs pour prévenir le totalitarisme. L’objectivation du travailleur aux mains de l’État tout-puissant est empêchée par une séparation des pouvoirs via les syndicats, les coopératives et l’Église. La solidarité et la subsidiarité découlent toutes deux de la dignité et nécessitent l’harmonie du capital et du travail.
Face à un monde moderne opposé à la religion, l’enseignement social catholique offre la meilleure solution possible à la question sociale. La solution aux conflits économiques ne peut être trouvée dans le monde matériel, mais le Dieu transcendant fournit la réponse à travers son Église. Une économie pour le bien commun ne peut être véritablement fondée que sur le Créateur de tous.
Bibliographie
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[1] « Économie », dans Encyclopédie de la Pensée Sociale Catholique, des Sciences Sociales et de la Politique Sociale, Ed. Il s’agit de l’un des plus grands ouvrages de l’histoire de l’art et de l’histoire de l’art. 1 (Lanham, MD: Scarecrow Press, 2007), 340.
[2] Pape Jean-Paul II, » Discours de Jean-Paul II aux ouvriers de l’usine “Transfield Limited » ’ (26 novembre 1986), §5.
[3] Catéchisme de l’Église catholique, 2427, au Saint-Siège, w2.vatican.va .
[4] Pape Léon XIII, Sur le Capital et le Travail Rerum novarum (15 mai 1891), §6.
[5] Pape Léon XIII, Rerum novarum, §9.
[6] Le Pape Jean-Paul II, Sur Le Travail Humain Exercices de travail (14 septembre 1981), §14.
[7] Pape Jean XXIII. Encyclique sur la Paix à notre époque Pacem en terres (11 avril 1963), §9.
[8] Pape Jean-Paul II. Encyclique sur le centenaire de l’encyclique Rerum Novarum Centésime annus (1er mai 1991), §15.
[9] Pape Jean XXIII, Encyclique sur le Christianisme et le Progrès Social Mater et magistra (15 mai 1961), §71.
[10] Pape Léon XIII, Rerum novarum, §5.
[11] Le Pape Jean-Paul II, Recueil de la Doctrine Sociale de l’Église (2 avril 2004), §192.
[12] CCC, 1941.
[13] Pape Jean XXIII, Mater et magistra, §132.
[14] Pape Paul VI, Encyclique sur le Développement des Peuples Progression de la population (26 mars 1967), §47.
[15] Pape Benoît XVI, Encyclique sur l’Amour chrétien Deus caritas est (25 décembre 2005), §20.
[16] Le Pape Paul VI, Progression de la population, §49.
[17] La Nouvelle Bible Américaine, Édition Révisée. Washington, DC: Confrérie de la Doctrine chrétienne, 2011. À la Conférence des Évêques catholiques des États-Unis, www.usccb.org .
[18] Pape Jean XXIII, Pacem en terres, §11.
[19] Pape Benoît XVI, Encyclique sur le Développement Humain Intégral dans la Charité et la Vérité Caritas en vérité (7 juillet 2009), §48.
[20] Pape François, Encyclique sur le Soin de notre Maison Commune Laudato si (24 mai ), §160.
[21] Le Pape François, Laudato si, §196.
[22] Pape Pie XI, Encyclique sur la Reconstruction de l’Ordre Social Quadragesimo anno (15 mai 1931), §79.
[23] Le Pape Paul VI, Une Lettre Apostolique sur un Appel à l’Action chrétienne Octogesima advéniens (14 mai 1971), §14.
[24] Le Pape Jean-Paul II, Centésime annus, §15.